En course d’orientation, c’est bien connu, vous êtes seuls en forêt avec votre carte et votre boussole. Quoique, il semble qu’il faille nuancer : vous êtes seuls sur votre parcours en forêt, mais vous croisez tout de même d’autres coureurs et coureuses. Là encore, il peut arriver parfois de rattraper, ou de se faire rattraper par une personne d’un parcours identique. Et on ne parle que de départs individuels « classiques », pas de relais ! Il est alors évident que toute course d’orientation est influencée par les participants qui nous entourent en forêt, qu’on le veuille ou non. La question que l’on est en droit de se poser est donc la suivante : comment utiliser cette influence pour parvenir à nos fins ? C’est là qu’intervient un concept : le « Gegnerkontakt ».

Ce terme emprunté à l’allemand signifie mot pour mot le « contact avec l’adversaire ». On vient de voir en quelques lignes que ce contact est présent sur toute course, mais on va maintenant s’intéresser tout particulièrement aux relais. En effet, vous le reconnaîtrez, c’est bel et bien dans ce format que le Gegnerkontakt est le plus présent : avec ses départs en masse et ses parcours très similaires (quelques petites variantes) il est essentiel de savoir s’orienter, non pas sans se préoccuper des autres, mais en piquant certaines informations données par les adversaires pour accroître sa vitesse sur le parcours.

FLIMS-LAAX/SWITZERLAND, 16.07.2023 – Start to the Relay Men at the World Orienteering Championship 2023 in Flims Laax / Switzerland.
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Commençons par les départs de masse. Une vingtaine, trentaine, voire centaine ou millier d’équipes pour les grands relais scandinaves qui partent au même instant sur un parcours similaire, ça peut faire des dégâts. Très souvent, ça part vite, très vite. Peut-être trop vite. Et là, au premier poste, c’est la faute. Quinze secondes de perdues ou cinq minutes, si on est lâché par le groupe, on ne revient que très rarement. C’est dans ces cas-là qu’il faut avoir travaillé ce Gegnerkontakt en amont, permettant ainsi de transformer une erreur de premiers postes longue de plusieurs minutes en une perte moindre, avoisinant la dizaine de seconde. Parce que souvent, cette première faute (oui, il y en aura d’autres sur le parcours, il ne faut pas se le cacher) dépend d’un facteur en particulier : les autres. Enfin pas tout à fait, soyons plus précis : ce facteur, c’est nous (c’est d’ailleurs toujours nous lors d’une faute en C.O.), mais concernant la réaction que l’on a face à la confrontation directe. Il faut savoir avoir confiance dans ses propres capacités d’orientation, sans se laisser influer par cette coureuse « qui a l’air sûre d’elle » et qui bifurque légèrement vers la droite. D’un autre côté, si on sait que l’on doit également bifurquer légèrement vers la droite, pourquoi ne pas profiter de cet instant pour préparer la suite pour deux trois secondes et suivre simplement pour quelques mètres ? Cette prise de décision, savoir quand suivre ou non, qui suivre, se laisser influencer en zone de poste, en choix de cheminement, ça se travaille, et c’est ce que l’on appelle le Gegnerkontakt .

Mais comment on l’entraîne me demandez-vous ? Facile (sur papier) ! Plusieurs exercices existent, mais le plus connu est certainement le « Staffelstarts » ou « Départs

de relais ». Ce sont des intervalles en course d’orientation qui s’effectuent en groupes de différentes tailles (à partir de trois et jusqu’à mille si vous avez la place). Le concept est simple : sur votre carte, vous avez plusieurs parcours d’une longueur comprise entre huit cents mètres et deux kilomètres (en général entre 5 et 10 minutes de course intensive par parcours) qui sont tracés avec des variantes (tous les participants n’ont donc pas le même parcours). Une fois le premier parcours effectué en confrontation directe, c’est-à-dire en départ de masse, les premiers arrivés attendent une ou deux minutes qu’un groupe assez grand se reforme à l’arrivée, puis repartent vers le parcours suivant, et ce jusqu’à la fin des parcours. Il peut y avoir jusqu’à une dizaine d’intervalles de ce type si les parcours sont courts (environ cinq minutes à vitesse élevée), ce qui permet de s’habituer à courir en forêt avec une confrontation directe, un Gegnerkontakt, avec une vitesse de course élevée (à vitesse réduite, l’entraînement est bien moins intéressant, car l’influence des autres coureurs est drastiquement amoindrie).

Pour que ce type d’entraînement soit le plus efficace possible, il est important de préparer un concept en amont (comment je vais réagir si lui ou elle part dans cette direction, qu’est-ce que je fais si je remarque que je me fais influencer vers un mauvais poste, etc.) et d’analyser son entraînement ensuite, en mettant en lien le concept qui était prévu et ce qui s’est réellement passé durant l’entraînement. Cette analyse doit être assez détaillée pour pouvoir en tirer des conclusions claires, qui permettront de modifier son concept de Gegnerkontakt pour les prochaines entraînements et relais, afin de minimiser les temps de fautes liés à une influence d’un ou une adversaire.

C’est ainsi que se termine ce petit article concernant la confrontation directe en course d’orientation. Vous savez maintenant utiliser un nouveau terme allemand pour désigner ce concept : le Gegnerkontakt. Vous avez également appris un exercice permettant de le travailler et vous savez qu’il n’est pas seulement présent sur les départs de masse.

 

Mathias Blaise (C.O.Liège)